Certes, il serait intéressant de rapporter en détail cette aventure. Mais ce n’est pas ici mon objectif. Mon objectif, c’est de rapporter pourquoi j’ai changé, et pourquoi cela peut être donné à tout un chacun, quel que soit le chemin de vie qu’il s’est choisi, alors même qu’il est amené à croire qu’il n’y peut rien.
Assez rapidement, lors de mon travail ou de ma recherche en thérapie, un fait m’a frappé, relevé dans un article d’Henri LABORIT (numéro 29/30 de la revue SexPol, revue des années quatre-vingts) : « La même quantité de microbes de la même souche, chez un individu fera un furoncle, chez un second fera une septicémie, et chez le troisième ne fera rien du tout ». Toute ma recherche, et ma ‘’guérison’’, bien qu’il ne s’agissait pas de germes dans le cas de la sclérose en plaques, tournait autour de cela : pourquoi ne réagit-on pas tous de la même façon devant une même affection ? Confusément, il me semblait déjà que l’affection n’avait rien à voir avec moi, même si j’en souffrais.
J’ai arrêté ma thérapie avec Philippe GIROD en 1990, en constatant ce que je disais plus haut, que ‘’ je n’avais pas besoin de mourir pour être certain que je vivais ‘’. Débarrassé de la crainte quotidienne de la sclérose en plaques sans pouvoir vraiment dire aux autres pourquoi, j’ai continué par divers moyens un travail sur moi et ma recherche personnelle. Je ne retiendrai que les points essentiels.
En 1999, j’eus l’occasion de trouver l’ouvrage de Michel MOIROT, que je cherchais depuis longtemps et qui semblait définitivement épuisé : « Origine des cancers – traitement et prévention». Je dénichais également un petit fascicule présentant succinctement mais précisément les découvertes du docteur HAMER, médecin allemand dont j’avais déjà entendu parler, et radié en 1986 de l’ordre des médecins (n°117 de Infor Vie Saine, revue éditée à Namur).
Le livre de Michel MOIROT m’a passionné. Dans ma lecture j’ai été amené à remplacer le terme cancer par celui de sclérose en plaques, qui convient mieux à mon vécu. Au fond ce n’est ni le cancer en soi ni la sclérose en plaques qui m’intéresse, mais la maladie quelle qu’elle soit. D’ailleurs MOIROT dit lui-même : « L’homme ne comprend que depuis peu de temps qu’une maladie n’est pas le résultat d’un agent extérieur qui l’agresse obligatoirement, mais que le germe microbien n’est qu’un maillon d’une chaîne où le moteur principal est d’abord la disposition intérieure du sujet ». Il dit bien « une » maladie. Les questions que je me posai, après cette lecture, étaient : « Qu’est-ce que la maladie, quelle est sa cause, et ce, quelle que soit la forme qu’elle prend? ». A cet égard, la lecture du n° d’Infor Vie Saine sur HAMER m’a beaucoup apporté et va tout à fait dans le sens de ma recherche. HAMER parle des conflits comme cause et source de toute maladie. Ma maladie m’a amené à faire un « travail sur moi » et par là à découvrir une multitude de conflits qui m’ont animé, dans lesquels j’ai vécu. Ils étaient pour moi le moyen d’échapper à la cage (ou la cuirasse) que je me construisais en permanence pour justement leur échapper. Cette cage/cuirasse, n’était autre que ma maladie ou la source des maladies que j’ai pu connaître et que j’ai finies par cristalliser un jour sous la forme de « sclérose en plaques ». Je ne referai pas ici en quelques lignes tout le trajet que j’ai fait. Je peux néanmoins dire que cette traque des conflits m’a permis d’identifier le(s) conflit(s) que j’ai eu(s) avec chacun de mes deux parents, c’est à dire avec ce que j’appelle mon origine la plus directement accessible de mon existence sur cette terre. Cela m’a conduit par un cheminement bizarre parfois (dont certains épisodes pourraient être intéressants à raconter), à revivre et à renouer :
1) tout d’abord avec le moment de ma naissance, et ce fut pour moi d’une façon tout autant allégorique, que précise, inattendue et étonnante.
2) puis plus tard avec le moment de la rencontre des deux gamètes qui, réunis, ont à jamais disparu en permettant l'existence (exister < ex-sistere = se placer hors de) de la morula qui devint le foetus puis le bébé qui mena à la personne que je suis. Je me souviens particulièrement de la force émotionnelle que cette ré-appropriation provoqua lorsque je la rapportai à mon thérapeute, dans son cabinet. C'était bien la preuve pour moi que je me trouvai pleinement dans cet évènement, et responsable de cette rencontre alors antérieure d'une quarantaine d'années.
Au cours du travail qui m‘a amené à ces deux découvertes, j’ai acquis la conviction que chaque difficulté (dont je commençais toujours par faire un obstacle) avec laquelle je me suis trouvé aux prises (ou en conflit) au cours de ma vie (de mon existence) était à l’image de la difficulté précédente (et du conflit précédent). Mon histoire, pour moi, ne se résume certes pas à des conflits avec mes parents. J’ai croisé beaucoup d’autres personnes et j’ai traversé de nombreuses difficultés conflictuelles qui ne mettaient en cause directement ni mes parents, ni ma relation à eux. Mais par là je me suis aperçu que je ne suis, à chaque moment de ma vie, qu’une métaphore de la difficulté à exister précédente que j’avais éprouvée. C’était à chaque fois une redite de ma difficulté à exister, c’est à dire à «me placer hors de » pour me sentir vraiment UN avec mon existence. Avant d’« être placé hors de » je ne pouvais pas exister, d’autant moins que mon origine est double : une moitié vient de ma mère, une moitié vient de mon père. «Se placer hors de », cela veut dire, je crois, qu’avant d’être « hors de », personne n’existe. ‘’Je’’ n’existe pas. ‘’Je’’ n’adviens qu’en niant ma mère, qu’en niant mon père. Mais lorsque ‘’Je’’ est venu, ‘’Je’’ suis autre, ‘’Je’’ me place hors de mon origine, ou hors de mes deux originaux. ‘’Je’’ n’étais pas contenu dedans, ni dans l’un, ni dans l’autre. Mais ‘’Je’’ nais de la rencontre des deux. ‘’Je’’ viens d’eux, mais je ne suis pas eux.
J’ai fini par réaliser, par sentir plutôt, au cours de la remontée que j’ai faite de mes difficultés à vivre, que ces conflits successifs masquaient le fait que je ne voulais pas vivre. Je ne voulais ni vivre ni naître, « me placer hors de» et j’ai été amené à penser que ma sclérose en plaques était « une somatisation de mon suicide » que je refusais et dont je n’étais pas capable de prendre la décision et donc de la réaliser. Mais je n’étais pas non plus capable de décider de vivre. Je ne vivais pas, mais j’étais en vie.
Dans cette indécision apparemment perpétuelle je ne pouvais que mettre en place une confrontation (ou un conflit) semblable à la difficulté précédente que j’avais rencontrée (et donc au conflit précédent, lequel n’avait pas été résolu). Ce nouveau conflit ne l’était pas plus, mais dans une pseudo construction qui me laissait croire que j’en sortais, je pouvais imaginer avoir échappé au précédent. Cependant, je ne l’avais certes pas dépassé, et ainsi sans le savoir, j’attendais la difficulté suivante et le conflit suivant tandis que j’enkystais en moi le passé. Chaque conflit qui se présentait n’était en fait que la reproduction du précédent.
Chaque conflit rencontré n’étant qu’une reproduction métaphorique du précédent, j’ai fini par me dire que je n’étais «qu’une métaphore de métaphore de métaphore de métaphore... ». Chaque nouvelle métaphore venait recouvrir la métaphore précédente, à la manière des pelures d’oignon qui se recouvrent les unes les autres en cachant soigneusement le cœur même de l’oignon. C’est ainsi que se met en place la cuirasse caractérielle et musculaire dont parle REICH et qui recouvre le moi profond. Métaphore de métaphore à la puissance X, je vivais bien loin de ma réalité originelle et je ne me sentais jamais ancré ni solidement dans ma réalité ni l’acceptant. D’où « la somatisation du suicide ». Cette formulation n’est pas de moi, mais je l’accepte. (Elle vient du thérapeute avec lequel je travaillais). Et ainsi se sont succédés pour moi les conflits et installées les pelures d’oignon qui recouvrirent peu à peu mon ‘’moi profond’’.