Bien sûr, peut-on répondre, cela est bien beau... Mais la santé, MAINTENANT ? Que devient-elle ? Car si l’on peut rêver que la maladie disparaisse comme mode d’expression de l’humain, dans quelques siècles, qu’en faire aujourd’hui, en attendant ? L’idée même de cette disparition ne serait-elle pas qu’une douce utopie, comme on me l’a déjà dit?
Sans doute, cette idée ne change-t-elle rien radicalement ni immédiatement. MAIS, si nous abordons la maladie (et les malades) en gardant à l’esprit que la maladie n’est qu’une ÉTAPE dans l’évolution de l’humanité, cela changera complètement notre manière de voir et nos croyances collectives et individuelles évolueront.
Nous ne pouvons pas avoir le même rapport à un humain malade si nous le considérons comme une personne en train d’ÉVOLUER, ou bien si nous considérons qu’il est simplement victime d’un « incident » ou « accident » de parcours de vie, et qu’il suffit au médecin moderne de corriger ou réparer ; si celui-ci n’y arrive pas, qu’il cherche et trouve ce qu’il ne sait pas encore !... Soulager, voire guérir la maladie avec la conscience qu’il s’agit d’un moment de l’histoire de l’homme (celui-là même qui est malade ici et maintenant) ET de l’humanité alors que celle-ci ne sait pas forcément comment ni quoi faire, c’est peut-être accepter que la vie soit évolution et que ce que nous croyons aujourd’hui ne soit pas pris pour une vérité éternelle.
Nos modes d’exister, de raisonner, de vivre ne sont que des moments fugitifs, et nous n’avons rien vu encore, sinon ce qui est là et maintenant... Au delà, tout ne reste-t-il pas à inventer ? Ne peut-on envisager que nos grandes découvertes, nos grandes inventions, qui nous semblent aujourd’hui éternelles, puissent un jour sembler dérisoires à nos descendants ? Ne serait-ce pas notre destinée d’avoir tout le temps tout à inventer ? Je ferai référence à un dernier ouvrage, un roman de Roy CURTIS : « Pourquoi j’ai mangé mon père ». Edouard est le père et le chef d’une famille préhistorique qui vit au tout début de l’humanité. Roy CURTIS nous raconte d’une façon très humoristique la progression de l’hominidé à l’homo sapiens. Un jour, Edouard, le père, dit à ses quatre fils : « Il nous faut trouver quelque chose de vraiment nouveau qui puisse faire évoluer notre vie ». Et chacun des fils est chargé d’amener quelque chose de nouveau. Chacun le fait, mais tout ce qu’ils apportent se révèle, d’une manière ou d’une autre, avoir un air de déjà vu. Sauf le quatrième et le plus jeune, William, qui plutôt que de répondre à la demande du père se contente de jouer avec un animal, un chien, qu’il essaie de s’attacher en lui apprenant à rapporter les cailloux qu’il lance. Pour jouer. Mais cela n’a jamais été fait dans cette humanité naissante : le chien n’était qu’un animal fantasque, voire dangereux, inutile donc ! Et le père de dire, d’un air songeur : « Mais voilà, quelque chose de vraiment nouveau, et qui pourrait changer notre vie ! ». Découvrir ce qui n’a jamais eu lieu, créer le possible. Et si c’était cela aussi le nouvel enjeu concernant notre santé ?